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Sur la route des Farisan : Lith et Kunfuddah

Le vendredi 22 mars 2024, par Léon Moron, Michel Carcenac

Sixième partie de la relation de la croisière du Commandant Moron en Mer Rouge en 1933. Au départ de Djeddah, la Diana pique vers le Sud, puis vers l’Est en direction de Lith où une escale exceptionnelle lui a été accordée. L’interdiction de visiter la ville agace sérieusement les français jusqu’à ce qu’ils en connaissent la raison. La difficulté de la navigation vers Kunfuddah va bientôt occuper toutes leurs pensées. L’Émir de Kunfuddah invité à dîner à bord avec ses troupes se révèlera le donateur le plus généreux depuis le début du voyage.

3 février

Je me lève avant le jour pour faire venir en route à l’est vers Lith dès qu’on aura aperçu le récif de Kad Homeis. Humidité, un peu de mer, petite brise du sud. Le soleil se lève dans la buée, car il a beaucoup plu cette nuit. Je fais venir à l’est, mais nous ne voyons rien.

A 8 heures seulement j’aperçois un récif sur bâbord à l’horizon, nous venons un peu à droite. Nous ne savons pas ce que c’est. Nous supposons que c’est Kad Homeis mais c’est à la devine. Nous mettons en route comme si c’était lui. L’horizon est clair mais les bas du ciel sont très voilés. A 10 h 45 récif droit devant, c’est Towaman ; nous ne nous étions pas trompés. En somme nous avons été dépalés vers le nord d’un demi-nœud toute la nuit.

Peu après le déjeuner nous apercevons la terre à bâbord et à tribord. Terre très basse, sablonneuse, lagune en arrière d’une barrière de broussailles. Un grand bâtiment se détache au bout d’une pointe, ce sont d’anciennes casernes turques. Un palmier particulièrement remarquable et un gros bouquet d’arbres, très allongé avec, en son milieu une grosse forteresse arabe. Les plans inférieurs sont noyés dans le mirage. Le vent du sud souffle très fort. Nous mouillons à 2 h près du récif d’entrée du port intérieur.

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Il y a pas mal de levée le long du bord et les embarcations ont de la peine à la coupée. Nous partons dans le canot à moteur remorquant une baleinière. Nous sommes nombreux : l’Amiral, Badens et moi, Boris et cinq ou six officiers de la Diana. Le pilote nous conduit à l’entrée du petit port. Un petit môle assez bien entretenu. Amarré presqu’à le toucher un beau boutre à arrière décoré.

Nous sommes reçus par cinq ou six arabes dont l’émir de l’endroit et quelques soldats en armes. Ils nous conduisent à une grande bâtisse en pierre à un étage qui doit être le royaume du fonctionnaire douanier. C’est la seule maison du paysage rapproché. Dans le voisinage, un paquet de huttes. Trois ou quatre chevaux sont amarrés à la bâtisse de la douane, deux magnifiques chameaux baraqués et très ornés tendent le cou au vent qui souffle fort.

Sur un très grand espace, le sol est plat, à demi-boueux, orné d’endroits en endroits de quelques touffes de broussaille. Dans le sud sur un faible ressaut de terrain s’étend Lith : une très grande palmeraie touffue vers le nord, une agglomération de maisons de boue séchée, cubiques et une très belle forteresse. Lith doit être à 4 ou 5 km de nous et il n’y a pas trace de route.

Nous montons au premier étage par un escalier extérieur, dont la moitié des pierres manquent et dont l’autre moitié branlent. Tout le monde s’assied dans une salle carrée et la palabre commence avec les interprètes. L’émir, un homme d’une trentaine d’années est de teint très sombre. Il est profondément marqué par la petite vérole. Il est vêtu d’une robe blanche et d’un pantalon serré aux chevilles. Par-dessus une abaya en poil de chameau. Sur la tête, le keffieh à petits dessins rouges et blancs et l’agal noir. Il porte sur sa robe une bande de cartouches de revolver et un assez beau poignard court, recourbé à 90°, orné de filigranes d’or. Il a aux pieds les babouches indiennes, analogues à celles du Soudan, mais moins jolies de forme.

A côté de lui, le chef de la Douane, un grand nègre quelconque et trois chefs de tribus nomades. L’un d’eux est superbe, pas très grand, sec et noir, les joues creuses, l’œil brillant, une petite barbiche de poils rares. Il est parait-il descendant de Fatma, la fille du prophète.

A la porte, des soldats en armes. Leur chef, un beau noir à la longue robe aux grenats verts serrés à la ceinture. Il n’a pas d’abaya. Il est armé jusqu’aux dents : fusil mauser, sabre, poignard, stylet. Il a l’air redoutable.

On sert l’affreux café à la cardamome. Heureusement qu’il n’y en a que très peu au fond de la tasse. Compliments, recompliments à n’en plus finir. Après le thé, verre d’un liquide rosâtre, qui est, parait-il du sirop. Je refuse poliment.

Le temps se fait long. L’Amiral se décide à demander la permission de prendre congé. L’émir lui répond qu’il ne craigne pas de le déranger et qu’il restera avec lui jusqu’au coucher du soleil. L’Amiral lui demande s’il l’autorise à aller se promener. Nous en avons assez de cette maison sordide et nous avons grande envie de voir la ville et surtout sa forteresse qui a l’air très belle.

Je pars avec l’Amiral. Le sol est un peu boueux et croûteux par place. Nous traversons un petit ruisseau qui nous barre la route. Nous nous mouillons bien un peu les pieds mais nous avons décidé d’aller à Lith. A peine avions-nous franchi ce wadi que, nous retournant, nous apercevons un officier qui court après nous. Il est suivi d’un soldat. Nous nous arrêtons et il nous dit que l’émir nous demande de ne pas aller plus loin. Nous avons pris un bain de pied bien inutile. Nous revenons à la Douane.

Il y a certainement quelque chose à Lith qu’on ne veut pas que nous voyions : des troupes, des prisonniers peut-être. Fouad Hamya nous a autorisé à mouiller ici, alors qu’on nous l’avait refusé lorsqu’on avait communiqué notre programme, mais uniquement parce que l’Amiral lui avait dit que nous serions très gênés pour notre entrée dans les chenaux si nous ne pouvions pas le faire à partir de Lith, mais il a donné des ordres pour que nous ne puissions pas aller en ville.

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A notre retour à la Douane, nous trouvons tous nos cerbères installés sur la terrasse. On a disposé sur les bancs à dossiers des couvertures capitonnées et des tapis. Recafé, resirop. Il est à peu près cinq heures et comme le vent n’est pas encore tombé, nous acceptons d’attendre là. L’émir, interrogé nous raconte quelques petites choses intéressantes sur la révolte de l’Assir, sur la fertilité de Lith qui produit des fruits, des légumes et du café. Il a beau nous dire qu’il n’y a pas de population sédentaire, je vois bien à la jumelle une grosse agglomération de maisons cubiques qui ne sont pas l’habitat normal des bédouins. Il répond évasivement au sujet de la forteresse et du poste de TSF, dont j’aperçois le mât.

Au moment de prendre congé, il annonce à l’Amiral qu’il va lui faire porter une mouna. L’Amiral se demande ce qu’il donnera en retour. Je le décide à faire un paquet d’eau de Cologne, de thé et de savon. Pourvu qu’on ne nous donne plus de moutons. Nous en avons dès maintenant 15 à bord.

Aux salutations d’adieu, l’émir, l’air inquiet, entouré des chefs bédouins, demande à l’Amiral s’il veut bien lui donner un certificat déclarant qu’il est descendu seulement à la Douane et qu’il s’est rembarqué après quelques instants d’entretien. Nous ne nous étions pas trompés sur l’intérêt qu’ils attachaient à ne pas nous laisser aller nous promener. Je fais ce beau certificat en rentrant à bord.

Encore des moutons ! La baleinière rentre avec le cadeau de l’émir ; 4 moutons, ce qui porte à 18 le troupeau du bord, du riz, du sucre, du café et deux tanakés de beurre de mouton. Nous n’arriverons jamais à manger ces 18 bêtes et ce n’est pas fini.

L’émir a demandé si nous acceptions de porter une lettre à Kunfudah. C’est probablement pour prévenir de ne pas nous laisser descendre à terre.

4 février

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Le ciel commence à blanchir et pas d’embarcation en vue. Cette lettre va nous retarder et cependant nous n’aurons pas de temps à perdre si nous voulons arriver à Kunfudah avant la nuit. Je fais tirer la sirène. L’effet se produit aussitôt. Un houri se dirige vers nous. Nous virons notre chaîne et dès les lettres saisies nous nous mettons en route. Nous devons contourner le Shab Hali qui s’étend devant Lith avant de rejoindre la route du chenal. A peine avons-nous fait quelques encablures que nous sentons la Diana qui talonne trois ou quatre fois. On stoppe et on bat en arrière. On voit parfaitement le fond tout autour de nous. Lorsque nous sommes étalés, nous nous plaçons. Rabaud est venu trop vite sur la gauche et nous sommes venus porter sur l’extrémité nord de Shab Hali sur un fond marqué 4m 10. Heureusement que nous sommes en hiver, que l’eau est haute, par conséquent et que nous ne sommes pas venus plus à gauche, sans quoi nous terminions là notre équipée à l’entrée des chenaux.

Visite des fonds, aucune avarie. Seule la passeresse du paillet Makharoff a été coupée au ras de la quille. C’est de la veine (passeresse = petit cordage qui sert à tirer une corde plus grosse dans une poulie).

C’est évidemment la faute du bateau mais tout de même le pilote indigène aurait pu réagir.

Nous nous sortons du récif et mettons en route.

Vers 10 h nous devons être dans le voisinage de Kahat el Awal qui, normalement devrait porter une bouée. Le pilote nous a prévenus qu’elle n’était plus en place. Nous l’apercevons d’ailleurs à terre du chenal.

Notre « local knowledge » nous affirme que nous avons passé Kahat el Awal. Nous n’en croyons rien, car nos points sont encore assez précis pour que nous n’ayons pas d’hésitations. Nous avons d’ailleurs été alertés par des noms de bancs qu’il nous a cités peu de temps avant comme devant être dans notre voisinage et que nous savons être encore à 8 ou 10 milles dans le sud.

La vigie signale le fond à bâbord et à tribord. Nous stoppons, battons en arrière et mettons la baleinière à l’eau. Tout autour de nous nous voyons dans l’eau très claire les récifs et les poissons. Je porte un point par trois relèvements sûrs et je nous place exactement au point de la carte qui porte la bouée. Nous sommes en plein sur le Kahat el Awal. Décidément notre pilote est dangereux. Il ne veut pas que nous venions sur la droite. Nous envoyons la baleinière dans cette direction où elle ne trouve plus le fond. Nous la suivons, puis reprenons la route du chenal.

A partir de ce moment, tout va bien. Les récifs sont signalés correctement et nous reconnaissons les îlots.

La navigation dans ces parages est évidemment un sport, surtout le matin lorsque le soleil est bas dans le voisinage de l’avant. Les récifs sont très peu visibles. Les collines de l’arrière-pays sont noyées dans la brume et on aperçoit seulement le rivage qui est uniformément bas. Ajouté à ceci le mirage qui décolle les objets de la mer et les déforme. Cette côte est sableuse à peu près de bout en bout, mais on y voit pas mal d’arbres, des palétuviers probablement. Les îlots sont ou des langues de sable ou des tas de buissons. Beaucoup d’oiseaux et de poissons. Des pélicans dorment sur des algues dont le chapelet continu a la forme du récif sur lequel ils se sont accumulés et d’où ils sont partis.

La brise tombe totalement peu après le lever du soleil. La mer miroite et éblouit. On ne peut voir sans lunettes colorées. Le casque est indispensable. Vers midi une légère brise du sud se lève et il fait un peu moins chaud. A partir de 3 heures, nous défilons à gauche d’un chapelet d’îlots bas, très rapprochés les uns des autres. Certains d’entre eux donnent envie d’y descendre. Des boutres y sont en réparation.

Vers 5 h, nous apercevons les gros bâtiments de Kunfudah et la tour Martello qui est dans le sud. En avant un îlot buissonneux très visible sur lequel est échoué un boutre blanc, le ventre en l’air. Comme toutes ces villes arabes de la côte, Kunfudah parait du large beaucoup plus importante qu’elle ne l’est en réalité. Son ensemble qui s’étale sur une langue de terre peu élevée est charmant dans le jour qui baisse.

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Nous contournons le Récif Cos, que nous avons aperçu très tard et nous entrons dans le petit port intérieur. Nous sommes mouillés à 6 h 30 au moment où le soleil se couche.

Salut à la terre, puisqu’en pays arabe il est de coutume de tirer partout le canon. A peine notre dernier coup parti, le premier part de terre. Comme le jour est bas on voit les flammes partir de la pièce. Les vingt-et-un coups arabes ne sont pas partis avant un quart d’heure.

L’Amiral envoie à terre l’officier interprète accompagné du pilote porter les lettres de Lith et prendre langue avec les autorités.

Pendant ce temps le capitaine du port et un secrétaire de l’Émir arrivent à bord dans un petit pointu. Il semble, d’après leurs propos que nous pouvons descendre à terre.

Le soir, après-dîner, nous montons sur le spardeck. Il fait calme. Le ciel est magnifiquement étoilé. A terre, deux feux seulement indiquent qu’il y a là une ville. Les lumières du bord éclairent l’eau laiteuse sur laquelle flottent des paquets d’algues. Dans le trouble passent de petits requins qui pourchassent le poisson. Un curieux crabe nageur, se propulse comme un infirme au milieu des détritus.

Nous avons su par une conversation avec le pilote qu’on nous avait empêché hier d’aller nous promener à Lith, parce que dimanche dernier, quatrième jour des fêtes de Beiram, 2000 blessés étaient arrivés d’Assir et qu’on était en train de les évacuer sur La Mecque.
Le pilote, interrogé a déclaré que pas mal de gens du sud étaient pour le rebelle Idrissi.

5 février

L’atmosphère est trouble et il fait très chaud et humide. Vers 9 h la mouna de l’émir arrive à bord : 7 moutons, une quantité de poulets, des œufs, du café, du riz. C’est le plus beau présent que nous ayons encore reçu.

L’Amiral a invité à déjeuner l’émir et deux personnages de sa suite, à son choix. Nous voyons arriver à bord un vieux nègre pur-sang, au nez aplati et aux lèvres épaisses. Il doit être âgé parce que sa barbiche est blanche. Il est accompagné de son secrétaire et du chef de poste de TSF.

On se met à table aussitôt. L’émir a un peu de gêne au début et se méfie de ce qu’on lui sert. Toutefois, il est frappant de penser que des gens aussi primitifs savent se tenir. Il mange un peu avec les doigts, mais n’a rien de vulgaire. On ne sert pas de vin, on n’en parle même pas. Nous en buvons, mais les Arabes ont de la citronnade.

J’ai comme voisin le secrétaire. Il parle anglais assez correctement, ayant été courtier en perles à Bombay pendant dix ans. C’est un peu décevant de venir à Kunfuddah pour entendre parler de Rosenthal et des diamantaires des Champs Elysées. Mais il parait que les affaires sont mauvaises et qu’alors le dit courtier s’est fait fonctionnaire. Tout est partout pareil. Le TSF est un arabe au teint clair, très jeune et efféminé.

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Le bord a été envahi par une troupe d’hommes en armes, surement des soldats de l’armée régulière. Tous portent le même costume. La grande robe blanche serrée à la ceinture, le kephié blanc et rouge à petits dessins, l’agal en boudin noir. Ils ont en bandoulière une longue bande de cartouches. Tous sont armés du fusil Mauser et du browning. Pendant que l’Amiral est au salon avec les autorités, les soldats ont envahi le carré. Ils sont assis, serrés les uns contre les autres et écoutent béatement le phono qui broie des danses américaines. Ils engouffrent des litres de citronnade. Vers trois heures, l’émir, qui a reçu en cadeau un pistolet qui appartenait à Badens, prend congé. Tous les soldats se précipitent dans une autre embarcation.

Je descends à terre quelque temps après. Nous débarquons à un long appontement de terre battue dont les bords sont retenus par des piquets de bois liés ensemble. Près de son extrémité, quelques sambouks sont en chargement. On veut à tout prix nous faire monter dans une camionnette, mais nous préférons les jambes.

La mer est basse et il se dégage de la vase une épouvantable odeur de pourriture. A peu de distance émergent des bossoirs d’embarcations et un canon de 47 pointé vers le ciel. Ce sont parait-il des coques de bateaux turcs coulés il y a longtemps, peut-être par les Italiens en 1912.

L’appontement débouche sur un terrain vague bordé à gauche par le poste de TSF dont l’antenne part d’un mât branlant, puis par le « palais » de l’émir. Sur la terrasse, je reconnais tous nos convives, qui doivent être à commenter leur déjeuner à bord.

Sur le terrain des quantités de sacs en raphia : du café, du doura. Une grouillade d’hommes noirs, dont quelques-uns portent la chevelure très épaisse et serrée par un petit ruban. Beaucoup d’entre eux portent entre leur turban et leurs cheveux une petite branche de verdure. Au milieu de ces gens qui tassent le grain dans les sacs ou qui empilent les balles, trône le marchand, plein de santé et d’orgueil. Quelques femmes noires, des esclaves certainement, ramassent ce qui tombe et font sauter les graines dans des couffins plats. L’une porte son gosse dans un sac sur le dos, une autre est nue jusqu’à la ceinture et doit être très jeune, car ses seins sont encore bien tenus.

Sur le Pasteur plusieurs petits commerces avaient cours.

A Aden les hommes d’équipage arpentent les quais à la recherche de café. Ils se transmettent les prix du jour. Tout le monde se connait et les sacs de café de 50 kg abondent. Ils sont entassés dans les cabines en attendant d’être débarqués à Marseille où ils sont attendus par les amis. Les officiers ne peuvent se permettre ce petit trafic, ce ne serait pas sérieux. Je n’ai jamais ramené de café, d’autant plus que personne n’aurait pu réceptionner mes sacs à Marseille !
Mais ceci n’est que broutille comparé au trafic des piastres pratiqué par les soldats que transportaient le Pasteur. "En 1948, l’Indochine est française. Comme de nombreuses colonies et protectorats de l’époque, elle bénéficie d’une monnaie propre : la piastre indochinoise. Celle-ci a un cours fixé, indexé sur le franc. Le taux de change fixé par l’État français est de 17 francs. Sur le marché local, la valeur réelle de la piastre s’approche plutôt des 8,50 francs. Ce qu’on échangeait à un certain prix en Indochine s’échangeait donc pour le double en France métropolitaine. Ainsi donc, si vous arriviez à Saïgon avec 5000 francs en poche, vous pouviez l’échanger localement contre environ 590 piastres. En vous rendant au bureau de change de l’OIC (Office Indochinoise des Changes), vous pouviez échanger ces 590 piastres, en les envoyant en France, contre un peu plus de 10 000 francs : sans rien faire, vous aviez doublé votre fortune.Dans un article de 2002 qui traite du trafic des piastres, le journal Marianne écrit : « Mieux, le montant des transferts de piastres dépassait de très loin le total de la solde des militaires. » in https://anecdoteshistoriques.com/histoire-20eme-siecle/trafic-piastres/

La ville, qui du large, paraissait bien construite n’est en réalité qu’un mélange bizarre de constructions de pierres blanches, dont beaucoup sont détruites – par un bombardement, nous dit-on – et de petits villages nègres qui ont poussés n’importe comment. Les huttes sont bien construites et toutes encloses dans des muretins de fascines. On voit des silhouettes de femmes qui se cachent.

Elles sont enveloppées des pieds à la tête dans des étoffes légères bleu foncé qui leur donnent des allures d’une finesse extraordinaire.

Les portes et les fenêtres des maisons en pierre sont très décorées et l’architecture est assez raffinée.

Nous entrons dans le bazar par la partie gauche de la place, suivis par une vingtaine de gosses qui se bousculent. L’un d’eux traine un singe au bout d’une ficelle. Petites boutiques dans des huttes – Moins de mouches qu’à Djeddah ; marchandises aussi peu appétissantes. Ce n’est qu’un tout petit marché, d’ailleurs. On sent déjà l’approche du pays nègre.

Nous errons ainsi pendant une demi-heure et nous reprenons le chemin du bord. Le long de l’appontement, dans la vase, des petits échassiers trottent à la poursuite des poissons. Ils sifflent lugubrement.

En rentrant à bord, nous retrouvons le secrétaire de l’émir, courtier en perles qui est venu demander des médicaments pour l’émir et a amené un malade à faire examiner par notre docteur.

6 février

Appareillé avant le lever du soleil. On aperçoit vaguement la ligne de terre et celle des deux récifs de l’entrée. La Diana est évitée cap au Nord, en sorte qu’il lui faut scier du bois pour se présenter vers la passe.

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Le ciel est sale. Il souffle une légère brise du nord, mais on peut penser que nous aurons de la pluie. Les terres se détachent très bien malgré les nuages.

Nous mettons à 10 nœuds pour arriver le plus sud possible avant la nuit. La route n’offre d’ailleurs quelques difficultés qu’à un passage où on doit serrer la côte de très près et passer entre des récifs et un grand banc qui s’étend parallèlement au rivage à une distance d’un mille. Nous faisons ce passage aux environs de midi. Plus nous approchons de la côte et plus les récifs en bordure sont visibles. Les lagunes sont d’un vert laiteux magnifique – des chameaux au pâturage, d’autres en caravanes.

La côte est très basse et est bordée de buissons. Entre eux, par endroits des lagunes, en arrière, une plaine de terrains rocheux noirâtres parsemée de bouquets et de petites collines arrondies : C’est le Tihama, en arrière une ligne de collines assez régulières auxquelles le Tihama vient se raccorder par une pente douce. En arrière la montagne de 7 à 800 mètres d’altitude.

On aperçoit sur bâbord l’île élevée de Kotunbul qui est un des points remarquables du chenal. A partir de ce moment, la carte déraille. Kotunbul est certainement beaucoup plus près de la côte qu’elle n’est indiquée et les montagnes du fond du décor ont été placées un peu n’importe comment. Comme nous devons changer de route par rapport à Kotunbul, c’est par rapport à elle que nous nous plaçons. Le ciel se charge dans le Sud. Une bande de pélicans naviguant en escadrille vole au ras de l’eau et rejoint la terre. La pluie vient vers nous.

La douche dure très peu et le ciel se dégage à nouveau. Mais plus nous allons dans le sud et moins il est facile de fixer la position du bateau. Une « Fort Hill » ou « Hill Fort » ne veut pas se montrer. J’opine pour une montagne assez élevée qui parait porter une bâtisse sur sa crête, d’autres pour une petite construction au pied d’une autre colline au ras de la mer.

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L’indécision se prolonge. On consulte les pilotes pour savoir s’ils connaissent quelques points marqués sur la carte. Nous arrêtons notre choix sur un village marqué Shukeik qu’ils disent très bien connaître. Le jour commence à tomber et il est temps de faire route sur la terre. On sonde et les fonds remontent à peine ; on annonce désespérément 23 m 24 m. Le récif se voit nettement droit devant. Nous mouillons, quand enfin le timonier chante 19 mètres.

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Il fait une légère brise de NW et un peu de houle. Le ciel est à demi couvert de nuages de pluie.

Le pilote nous dit qu’il y a deux mois, les insurgés de l’Idrissi étaient dans cette région et qu’ils en avaient été chassés.

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