1966... séjour en Polynésie !
Que de souvenirs liés à ce pays béni des dieux ! J’étais alors affecté sur le porte-avions Foch, et nous avions entrepris ce long voyage en mer pour participer à une campagne d’expérimentations nucléaires. Partis de Toulon, nous rejoignîmes l’île de Tahiti après plusieurs escales comme Dakar, Diégo-Suarez et Nouméa.
Un voyage de plus de 20.000 kilomètres, de l’autre côté de la planète.
Le Foch étant trop imposant pour mouiller dans le port de Papeete, nous stationnions dans le lagon de Vaïrao, situé dans la presqu’île attenante à Tahiti. Malgré le récif de corail, la passe était assez large, et le lagon assez profond pour nous permettre d’y séjourner.
Vaïrao ! Petit village tahitien, avec ses maisons couvertes en tôles, aux murs en bois, peints de couleurs vives, aux ouvertures sans fenêtres et sans portes, blotti au milieu d’une cocoterais, traversé par une pseudo route en terre battue qui menait d’un côté vers Papeete, et de l’autre nulle part.
Et des fleurs, des fleurs partout qui poussaient comme des mauvaises herbes, dont l’ibiscus et le tiaré dont les tahitiennes se paraient l’oreille, à droite ou à gauche, selon qu’elles étaient abordables ou non.
Les requins du lagon, le "maout", la chefferie, le "chinois", les tikis...!
Maéva vivait là. A peu près au milieu du village, sur la seule route, se dressait le magasin du "chinois". Seul commerce du lieu, on y trouvait de tout, du tissu, du coca, des clous aux éventails... Elle habitait un "faré" juste en face, avec sa maman, une forte "vahiné" assortie d’un "tané" petit et malingre, avec quatre ou cinq frères et soeurs.
Je l’avais souvent croisée sur le chemin, appuyée d’une épaule à un cocotier, la main sur la hanche, et me gratifiant d’un "ia ora na", avec un sourire mi-intéressé, mi-moqueur. Durant les deux ou trois premières semaines, nous n’avons échangé que quelques mots.
Jusqu’au jour où, conjointement, la marine et le village de Vaïrao (qui signifie : "et maintenant reste là" !) organisèrent un "tamaraa", sorte de fête, qui marquait la bienvenue du Foch et de ses marins, et la bonne entente entre les autochtones et eux.
Maéva s’y était naturellement rendue, ainsi que tous les habitants. Des stands de jeux, type kermesse, des buffets étaient dressés dans la cocoteraie, et, mélangés, métropolitains et polynésiens se divertissaient, discutaient, se servaient à manger et à boire, accompagnés de musique folklorique tahitienne et de danses locales de groupes en costumes traditionnels.
Je la vis soudain arriver directement vers moi. Bien qu’entouré d’un groupe d’amis, je n’avais plus d’yeux que pour elle. Son "ia ora na" avait un ton bien différent, et fut simplement suivi d’un "viens !", souligné par un regard inexprimable et si chargé de sens.
Elle me prit la main et m’entraîna vers la plage de sable gris qui longeait le village, au bord du lagon à l’eau si claire qu’on y voyait nager les poissons.
Nous avons marché ainsi durant un long moment, sans presque se regarder, main dans la main, sous le soleil du Pacifique.
Puis elle eut un rire soudain, et se mit à courir vers la mer, tout en enlevant prestement son "paréo" pour y arriver nue et y plonger, soulevant une gerbe d’écume. Je devais avoir l’air bien bête sur le rivage, car en réapparaissant elle eut un nouveau rire, et me tendit les deux mains pour m’inviter à la rejoindre.
Hésitant quelques secondes, j’enlevai mes vêtements et courut vers elle. Nous avons nagé et joué dans l’océan, avant de nous retrouver face à face, corps contre corps, les yeux dans les yeux, et que n’arrive le premier baiser, un baiser long, tendre et fougueux et, ô combien, doux et salé !
Puis nous avons fait l’amour sur le sable, comme cela, sans raison, comme peuvent se donner deux corps jeunes et souples, sans penser à rien d’autre qu’au plaisir réciproque procuré à l’autre, et persuadés que la félicité et l’éternité nous étaient acquises, et dureraient toujours pour nous.
J’avais dix neuf ans, Maéva presque dix huit ! Merveilleuse spontanéité, suave douceur des filles des îles...
A chacun de mes séjours à Vaïrao, Maéva fut toujours là pour moi, et nous avons partagé des heures de bonheur.
Le souvenir en reste vivace.