En 1912, les chapeaux et les bérets ont remplacé les canotiers, les costumes sont plus modernes. Tout au fond, sur le foirail de la place Malbec, sont rassemblés des bœufs de boucherie. Ceux de Belvès, réputés, partent par le train à la Villette et à Bordeaux. Ici, Sous-la-Brèche, c’est le marché aux bœufs de labour. Ils ont été dressés ensemble, ont travaillé ensemble, et sont vendus par paires, de préférence. En les mettant sous le joug, on ne peut les changer de côté, les contrarier, les désenjuguer, car alors ils tirent de travers et sont incapables de travailler. Ils ne savent même plus marcher droit sur la route. A la foire, on recherche un bœuf droitier, une vache gauchère, pour remplacer un manquant du couple.
Sur ce cliché, nous avons les bœufs utilisés en Périgord et dans le Quercy. Ils n’ont pas de nom particulier, se rapprochent des limousins, mais n’en sont pas. La robe est claire, de couleur froment, tirant un peu sur le rouge comme celle des garonnais.
Regardez les cornes, elles sont jeunes, toutes blanches ; avec l’âge, la corne noircit à partir de la tête. Ces animaux ont de quatre à six ans, ce sont bien des bœufs de travail, ils ne sont pas encore engraissés, sauf peut-être la dernière paire. Le travail est le rôle important qui leur est dévolu en premier.
Un propriétaire achète des bêtes maigres et jeunes, les dresse à sa guise et les fait travailler pendant deux à trois ans. En même temps, il sait les choyer et commence à les faire grossir. Quand elles ont sept à huit ans, il finit de les engraisser avec des châtaignes sèches et des haricots. Ces bêtes deviennent comme des pâtés, elles ont une viande extraordinaire et feront de délicieuses entrecôtes à la bordelaise.
Le revente de ces bœufs gras laisse un bénéfice conséquent, bien prévu dans le budget de la ferme.
Les bœufs sont menés à la foire l’un devant l’autre, l’homme « appelant », la femme derrière « appuyant » d’un bâton.
Cependant, la plupart du temps, même les bœufs de boucherie sont conduits au marché avec le joug, tellement ils sont habitués à marcher ainsi. Après les avoir vendus, les patrons repartent à Doissat ou à Bouillac, portant sur l’épaule le joug de quinze kilos.
- Découvrir Le Périgord d’Antoine Carcenac : (photographies 1899 - 1920).